II
Comme le papillon et la rose
QUAND Shri Bahanba, rouvrant les yeux, regarda vers l’étagère, il y vit le ballon de verre qu’il y avait posé plusieurs semaines auparavant, et, au-dessus du col de ce ballon, fraîche comme au premier jour, la rose qu’il y avait mise à tremper.
Il prit le ballon dans ses mains pour s’assurer que c’était la même rose, ou plutôt pour s’assurer du contraire, car il ne pouvait croire ce qu’il voyait. Un domestique ou une laborantine avait sans doute remplacé la rose fanée. Mais il reconnut son cœur doré, et le dessin de ses pétales. C’était bien la même. Il se rappelait plus facilement le visage d’une fleur que celui d’une femme. Pour être scientifiquement sûr de ne pas se tromper, il fit absorber du JL3 à un papillon thaumantis diores, aux ailes brunes tachées de bleu, dont la durée de vie, bien connue, ne dépassait pas trente heures. Il enferma dans un placard de fer dont il possédait seul la clef le ballon de verre avec sa rose – dans lequel il rajouta de l’eau – et la cage de verre contenant le papillon.
Quatre semaines plus tard, la rose et le papillon étaient toujours vivants et vigoureux. Le papillon avait vécu de vingt à trente fois la durée normale de sa vie. Transposé à l’échelle humaine, cela représentait de mille à deux mille ans d’existence.